Histoires de bouches
Noëlle Chatelet
Gallimard (Folio), 1986.
Histoires
de bouches ou comment traiter le thème de la nourriture en 18
récits. Noëlle Chatelet nous montre la place importante, prépondérante
que tient la nourriture dans notre vie quotidienne : notre vie n'est-
elle pas rythmée par l'heure des repas ?
Mais l'auteur ne cherche
pas comme dans Le corps à corps culinaire (publié en 1977) à faire
un essai théorique sur ce thème, elle nous offre plutôt des historettes
, des anecdotes, des petits drames, d'éphémères joies profondément
ancrés dans la vie de tous les jours et qui nous touchent donc de près.
Elle tisse toute une toile de récits dont le centre, telle une
araignée, se trouve être la bouche. La bouche qui mange, déguste, avale
, engloutit ou vomit.
Les histoires tournent, dans l'ensemble,
autour d'un personnage unique à qui il arrive quelquechose de tragique
ou dont la vie n'est pas très rose. Beaucoup de ces personnages
naviguent sur le fil du rasoir. Ils sont près de basculer dans la
folie s'ils n'y sont déjà. Enfin, ils sont seuls face à leur(s)
problème(s) de bouche : une grand-mère se suicide parce qu'elle a raté
sa blanquette de veau, un vieillard continue à mettre le couvert
pour lui et sa femme alors que celle-ci est morte, une femme voit son
mari mourir en montagne, elle veut le rejoindre en s'abandonnant dans
le froid mais la faim est plus forte que tout...
A travers une
série de portraits rapides mais précis, Noëlle Chatelet nous révèle,
sous le couvert d'un thème qui pourrait paraître banal, tout un
aspect intime de notre société et, même dans ses histoires les plus
fantastiques (quand elle se met à la place d'une mouche ou dans la
nouvelle du haricot qui germe dans le nez d'une petite fille), on se
rend compte que ce sujet n'a peut être jamais été aussi bien traité
dans la littérature que dans Histoires de bouches.
Prix
Goncourt de la nouvelle, 1987.
I.L.