La réserve des visages nus
Jean-Yves Loude
Gallimard (Page blanche), 2000.
167 p.

L'idée s'avérait prometteuse : le peuple des visages nus vit, sans repères temporels et dans un système de pensée draconien proche de la dictature, parqué dans une réserve. Les contacts humains, au sein de cette micro-société, quand ils ne sont pas ambigus, sombrent dans la vacuité ou la suspicion. Leur survie est régie par les allers-retours des hommes du Centre, vêtus de scaphandres.
Pourquoi les visages nus vivent à l'air libre ? Pour quelles raisons, il y a trois générations, leurs ancêtres sont devenus indésirables ?
Le jeune Rèm, conducteur des trains qui ont pour destination le mystérieux Centre, se révolte et découvre toute la vérité...
Jean-Yves Loude, dans un genre proche de la science-fiction, se penche ici sur la capacité de survie et l'organisation d'une micro-société constituée d'un peuple banni, sans mémoire et guetté par les tout-puissants inconnus du Centre ( genre de Big Brother). Les crédules sont leurrés et presque lobotomisés par les idéaux trompeurs véhiculés par le Centre : un jour, tous seraient réunis sur Mars ou Vénus.
On comprendra que le désir de l'homme est de maîtriser la nature à son détriment. S'ensuivent inexorablement la pollution et la radiation qui exhortent les hommes à conquérir d'autres planètes. La vision de l'avenir par l'auteur se révèle donc bien pessimiste, mais les thèmes abordés nous poussent à réfléchir sur le bien-fondé de l'écologie et l'ambition démesurée des hommes.
Pourtant l'écriture ne parvient pas à soutenir toute la matière (de portée philosophique) du récit, inégal et à la fois concentré sur trop d'éléments insignifiants. Cette histoire devrait susciter de grandes polémiques et nous inciter à réfléchir sur l'avenir, mais le ton adopté demeure trop neutre.
Malgré une bonne imagination, l'ensemble manque de souffle et reste décevant.
A.P.